Longtemps j'ai pensé que l'enseignement que j'avais reçu me suffisait. Mais la trentaine passée , les questions arrivent et pas les réponses en tout cas , pas les bonnes. A ce moment là, je faisais du quatuor et je me suis aperçu des progrès du premier violon. Progrès dans la tenue, la sonorité : plus ample, plus précise, plus personnelle, de nouvelles exigences dans le travail. Enfin, la disparition du coussin.
Je m'étonne, on me répond: " Je travaille avec une bonne femme . Connaissant sa piètre opinion de la gente féminine, je me dis qu'il s'agit là sans doute d'une personne exceptionnelle. Je demande le nom, l'adresse et le numéro de téléphone.
Quelques semaines plus tard, je me trouve chez Dominique Hoppenot avec un prélude et une courante de Bach. Je joue, elle me pose tout suite la question : " Que pensez vous de votre sonorité ? " …. Euh …. elle me paraissait convenable, en tous cas c'était la mienne à cet instant là. A partir de ce moment, commence une leçon qui, malgré une distance de quarante ans , est encore dans ma mémoire.
Tout sera abordé : Comment s'asseoir (sans l'instrument), l'installation du corps, des pieds jusqu'au sommet du crâne. Toutes les différentes parties du corps seront nommées. Ensuite vient l'accueil de l'instrument, longueur de la pique, inclinaison, points de repères.
Ensuite l'archet : observation de l'objet, prise en main, avec la phrase que j'ai bien aimée " le pouce se pose sur la baguette comme à regret ".
Puis, susciter en soi le désir, l'envie de faire vibrer une corde à vide, chercher le timbre - cela à toutes les places de l'archet - faire intervenir le bras, le dos pendant un long travail de recherche qui me porte à ressentir de nouvelles possibilités d'expression dans le son.
Enfin, la main gauche : comment poser les doigts, comment bien ressentir la corde, là aussi avec le bras soutenu par le dos.
Du vibrato , il ne fut pas question.
Ce travail, je tâcherai de l'accomplir auprès de Dominique sur un temps relativement long jusqu'à son inadmissible disparition. Nous avons heureusement son merveilleux livre dont nous violoncellistes pouvons faire notre miel - à l' exception d'un chapitre consacré à la tenue du violon.
Comment transmettre sans trahir? Je n'ai jamais prétendu enseigner la méthode Hoppenot. D'ailleurs, elle détestait cette expression car elle avait " des " méthodes : l'être humain est si divers! Je ne parlais que des choses que j'avais moi même ressenties sans citer mes sources , ou alors à quelques grands qui me semblaient désireux et capables d'entendre un langage nouveau pour eux.
Je dois à Dominique Hoppenot d'avoir reconnu et admis quelle sorte d'instrumentiste, de musicien j'étais et de l'être pleinement.
Merci Madame. Février 2015